Kenichi Shiota marche, seul, dans une mer de débris. Au loin, un écho, saccadé : le bruit des pelleteuses. Ce sont les seuls mouvements perceptibles dans un horizon apocalyptique. Pour le reste, tout est figé. Les montagnes de bois, les enchevêtrements de tôles. Les maisons éventrées, les voitures concassées. Les thoniers de 100 tonnes sur leur quille, l’odeur de la mort. Le centre-ville de Kesennuma a quasi le même visage de cimetière qu’après le 11 mars, ou dix jours plus tard.
Il s'excuserait presque, Kenichi Shiota, 44 ans : «Je viens là tous les jours pour tenter de trouver des souvenirs de famille, des photos, des vestiges, de sauver ce qui peut l'être.» Comme s'il ne devait pas être là. Comme s'il ne pouvait revenir hanter son restaurant qui a disparu. Comme s'il ne fallait pas tenter d'honorer la mémoire de ces ombres qui le poursuivent, trouver des bribes de vies passées pour ses «30 amis» dont il n'a «plus de nouvelles». Une force immarcescible semble l'habiter : «Je vais reconstruire cette ville. L'avenir, c'est nous, les quadras. Les jeunes vont partir ; les vieux sont trop fatigués. Nous, on portera la renaissance.»
Vague de feu. Il faut une imagination exagérément fertile pour penser à quoi pourrait ressembler un jour Kesennuma, jadis peuplé de 75 500 âmes. Kenichi le sait bien. Alors, il préfère parler d'hier plutôt que de demain. Hier, la pêche : thon, espadon, requins (pour leurs ailerons), 90% de la