Les coudes très écartés, Jean-François Guédon s'accroche à la table de sa cuisine et crispe les mâchoires lorsqu'il évoque les réunions de la «cellule sécheresse» en préfecture. A chaque fois, il a l'impression de s'en «prendre plein la tête». Il se sent montré du doigt. Cet agriculteur de Villars-les-Dombes représente les «irriguants» et arrose lui-même près de 200 hectares dans la plaine de l'Ain, océan de maïs sur une terre ingrate. «Gamin, raconte-t-il, j'ai connu ces plaines sans personne dessus, sans aucune culture.»
Le sol est un limon sableux posé sur du gravier. Cela ne permet aucune remontée capillaire, aucun stockage de l’eau. Alors, pour faire pousser du maïs, du blé et du soja, les paysans ont investi dans des canalisations qui puisent l’eau du Rhône, des rivières et surtout de la nappe, qui se situe début juin au niveau atteint d’ordinaire fin juillet. Ici, 15 000 hectares sont irrigués sur les 27 000 cultivés dans une plaine devenue fertile. Cela coûte en moyenne de 250 à 300 euros par hectare et par an. Pour amortir, les pivots d’irrigation fonctionnent d’ordinaire 24 heures sur 24.
Les riverains ne comprennent pas que l'on arrose alors que la canicule favorise l'évaporation ? Fabien Thomazet, responsable technique d'Asia, organisme qui fédère les réseaux d'irrigation de 165 exploitants dans l'Ain, répond qu'une étude du Cemagref, institut de recherche pour l'environnement, «a montré que la perte ne dépassait pas 8% aux plus forte