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Libération
Interview

«Impossible de pomper l’eau, faute de matériel»

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Jean Ziegler, des Nations unies, dénonce la spéculation et le manque d’infrastructures :
publié le 19 juillet 2011 à 0h00

Jean Ziegler a été rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour le droit à l’alimentation. Il est aujourd’hui vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

En quoi cette situation de crise alimentaire est-elle différente des autres ?

Nous sommes dans une région où les périodes de sécheresse sont de plus en plus rapprochées. Autrefois, c’était tous les dix ou quinze ans. Depuis peu, c’est tous les deux, trois ans. Cela dit, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ces pays souffrent du manque d’infrastructures.

La sécheresse n’est qu’une partie de la cause ?

C’est le dernier coup qui anéantit les populations. Il y a de l’eau dans les nappes phréatiques, mais ces nappes sont à 50 mètres, ou plus, de profondeur. Impossible à pomper, faute de matériel. En Ethiopie, par exemple, le manque d’infrastructures s’illustre de façon navrante. Ainsi, il est arrivé plus d’une fois, y compris pendant les périodes de famine, que le teff, la céréale de base en Somalie, pourrisse dans des dépôts de Gondar, dans l’ouest du pays, alors que des dizaines de milliers de personnes mourraient de faim dans l’est, à 600 km de là…

Pourquoi ?

Par manque de routes, de chemins de fer. Et, là, l’aide internationale devient absurde. Ainsi, le blé américain et les autres céréales arrivent par le canal de Suez, puis sont déchargés à Djibouti. De là, ils sont mis sur un train en direction d’Addis-Abeba, avant de repartir sur camions vers le nord de l’Ethiopie. Tout ceci, alors qu’il y a du teff dans le pays. C’est une folie ! Au fil des années, ces pays connaissent un allon