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Libération

Le lapereau et le greffier

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publié le 15 octobre 2011 à 0h00

Le lapereau : mon chat n'est pas qu'amour, il tient du loup. Il vient miauler son ennui, m'invite au dehors bruissant de vies. J'ai justement repéré tout au bout de la haie sauvage où merles et geais se gavent de baies et de glands, un jeune hêtre qu'un troène empêche de croître. Seul représentant de son essence ici, j'imagine le jour où s'adosser à son tronc dans le soleil couchant sera divin. Je dégage son houppier émouvant, vingtaine de feuilles tendres où bientôt brasille la lumière. Soudain, des cris poignants d'enfant. Je cherche mon chat, l'appelle : «Shams ! Shams !»

Le maraudeur sort du taillis avec, dans la gueule, le plus adorable lapereau qui soit. Mon rouquin doit tenir du chien aussi : il me laisse saisir son trophée. Vite, je l’emporte pour lui tirer le portrait et je me vois déjà vous narrer la vie dissolue des lapins, leur insatiable gourmandise, leur appétence encore plus extraordinaire pour l’étreinte amoureuse qui voit les couples se poursuivre, faire pirouettes et bonds, se mordiller les oreilles et se brouter le museau sous l’éclairage lunaire ; où la hase s’offre à lui, ventre à plat sur la plaine fumante, cuisses étalées en compas de velours brûlant. Lui, le bougre, après l’avoir douchée d’un jet d’urine et tambouriné de la patte son refrain de suaves promesses, il la lapine avec frénésie comme s’il redoutait le vil coup du lapin.

Equipée d’une double matrice, la femelle peut tout à la fois porter les embryons d’une précédente union dans l’une