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grand angle

Gardes forestiers, l’âme abattue

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Devenus «agents patrimoniaux» avec la réforme de l’Office national des forêts, ces hommes de terrain doivent répondre à de lourds objectifs de rentabilité. Depuis cet été, six se sont suicidés.
publié le 2 novembre 2011 à 0h00

Il dit «ma forêt».Cette forêt de Châtenois, près de Vesoul (Haute-Saône), Philippe Berger, 47 ans, la côtoie, l'observe, la préserve depuis plus de vingt-cinq ans. «C'est une belle forêt», dit-il, ses yeux bleus brillant comme ceux d'un enfant. Il prend plaisir à la faire découvrir en ce mois d'octobre où l'automne rouille les chênes, hêtres et châtaigniers et fait valser, en une douce averse, glands et feuilles mêlés. Tout petit déjà, en Haute-Savoie, il passait son temps en forêt, à jouer, à faire des herbiers. Alors le métier de forestier s'est imposé, et s'il n'exerce ses responsabilités syndicales qu'à temps partiel - il est secrétaire général de Snupfen-Solidaires, le syndicat majoritaire de l'Office national des forêts (ONF) -, c'est pour garder un «pied en forêt».

Il montre, sur un chêne, l'encoche qu'il a faite au marteau forestier : elle désigne les arbres à couper. Le martelage est, d'octobre à mars, l'une des grandes tâches du forestier. Il faut savoir éclaircir à bon escient, en gardant les arbres qui assureront la régénération de la forêt, en enlevant ceux qui captent trop de lumière et d'eau. La piste forestière se creuse d'ornières, Philippe Berger s'agace des traces laissées par les tracteurs de débardage. «Un sol tassé comme cela, c'est désolant, il faudra plus de trente ans pour qu'il se refasse ! Et tous ces chênes frottés, écorcés, ils risquent de prendre une maladie. Les débardeurs ont sorti les grumes au plus vite. Si j'av