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Libération

Gracieuse pisseuse

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publié le 5 novembre 2011 à 0h00

Elle me regarde de son œil languide, avec cet air doux, un peu las, de me demander : «Que m’as-tu donc fait ?» J’ai le sentiment qu’elle me connaît, bien, peut-être pas, mais elle m’a souvent vu fendre du bois sur cet établi fait de vieilles poutres où nous aimons avec mon chat nous caresser et observer les oiseaux.

Ici, sous le couvert de feuilles d’érables, d’aubépines et de saules, maintenu dans le dos d’un chêne auguste, est son domaine, comme il est celui d’autres animaux avec qui elle compose. C’est le narthex d’un taillis indispensable, nef d’arbustes et de bosquets qui, durant quatre cents mètres, séparent deux champs épuisés par l’exploitation et l’utilisation bornée de pesticides et autres produits dits «agricoles».

Ici, elle est tranquille, le lieu est humide, protégé, à pas cinq minutes à sauts de cuisses de grenouille d’un fossé où l’eau jamais ne manque. Le sol est tapissé de lierre, bordé par mes bûches, barre de HLM faunique, et encadré d’épineux qui font obstacles aux chasseurs.

Je l’appelle Rosette, cela la rassure, tout en veillant à ce que mon aide de camp, Shams, mon rouquin de chat, ne soit pas dans les parages. Elle est une grenouille de l’espèce agile, et il est exact qu’elle saute admirablement bien. Les naturalistes la décrivent également sous l’adjectif de «pisseuse». Ils y vont fort, je n’ai pas reçu le moindre jet d’urine de sa part lorsque, d’un mouvement vif, je l’ai recouverte de la «boîte loupe», don d’une sylphide ici visible les seuls week-end