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Ver(ge) de terre

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publié le 31 décembre 2011 à 0h00

Ventre à ventre, tête bêche, gluants de désir, ils se collent, se serrent, vibrent de leurs minuscules soies qu’ils entrecroisent pour mieux s’agripper en un baiser savoureux.

De ce monde dont ils sont en grande partie responsable, plus rien ne compte. Seule les occupe cette étreinte où ils se pénètrent de concert, accordés, patients, en volupté. Des rougeurs de braise enflamment leurs corps annelés tout de gélatine amoureuse. Ils semblent, jetés sur le sol, parmi l’herbe humide et les feuilles décomposées, n’être qu’un sexe, deux plutôt, tels deux verges dressées, acoquinées, qui vont et viennent, reptiles.

L’hermaphrodisme serait-il la panacée ? Je ne saurais dire, mais à les observer, ces deux vers de terre en lente reproduction, laissent rêveur. Leur anatomie paraît se réduire à l’essentiel : une bouche, édentée, un anus disposé très loin de celle-ci, ce qui, si désir solitaire il y a, n’empêche pas de se faire des gâteries. Entre les deux, un ventre. C’est quasiment tout.

Le ver de terre n’a pas d’yeux. A quoi bon puisqu’il se terre jusqu’à moins deux mètres, boulotte la matière meuble et les végétaux corrompus, chaque jour son poids, au point de renouveler et enrichir une prairie en moins de dix ans. Tout en avalant la terre par son museau dessiné comme celui du requin citron, il creuse des galeries (un demi-millier par mètre cube), aérant le substrat, ce qui permettra à l’air, et donc à l’eau, des conditions optimales pour s’infiltrer et jardiner les champs censés nous n