Amarée basse, le tronc des arbres bordant la rivière tropicale Colorado est recouvert de pétrole, comme peints en noir jusqu'à un mètre au-dessus de l'eau. Les larges feuilles qui trempent trop bas ont droit aussi à ce marquage mortel. Le faible courant emporte des traces couleur café. Sur un barrage de plastique destiné à freiner la course puante, gît une couleuvre morte. A quelque 50 kilomètres de là, dans le village de Jusepin, dans l'Est du pays, un oléoduc s'est rompu le 4 février. Le déversement de pétrole dans la rivière Guarapiche, principale source d'eau de la région, a été qualifié de «plus gros désastre pétrolier depuis la marée noire dans le golfe du Mexique» par les ONG écologistes du Venezuela.
«C'est rien par rapport à ce que j'ai vu il y a quinze jours», commente Elia Hernandez, embauché par PDVSA, la compagnie pétrolière nationale du Venezuela, pour nettoyer le Colorado, dans lequel se jette le Guarapiche. «L'eau était noire, nous avons sorti des sacs entiers de poissons morts, de toutes sortes, des raies aussi, des serpents de 15 mètres», raconte-t-il. Il a mis sous sa fine combinaison de toile blanche, totalement perméable, «deux pantalons, c'est plus sûr», et se félicite d'avoir décroché ce boulot, payé 79 bolivars (environ 14 euros) par jour «plus les trois repas quotidiens». Au village de Caripito, à deux heures de barque, ils sont une cinquantaine chaque jour à patienter des heures devant le portail de PDVSA