Yann Rabuteau est juriste, fondateur du réseau de compétences juridiques Allegans, spécialisé dans le droit applicable à la protection de l’environnement marin, aux activités maritimes et littorales.
Que vous inspire cet avis ?
Il n’y a pas d’argument nouveau. De ce point de vue, l’avocat général reprend les arguments de tous ceux qui s’opposaient à la responsabilité pénale et civile de l’affréteur, c’est-à-dire Total. C’est ce que les défenseurs de la compagnie pétrolière ont toujours soutenu.
N’est-il pas étonnant que cet avis remette en question à la fois le jugement de première instance et le jugement en appel ?
Les magistrats de la Cour de cassation vérifient uniquement les questions de droit, et c'est vrai que ça a toujours été la faiblesse du dossier Erika. Le raisonnement de l'avocat général est une lecture archi-classique des textes et de leur application. Au niveau des indemnisations, il considère que les conventions CLC [conventions internationales sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, ndlr] de 1969 et de 1992 sont celles qui doivent s'appliquer. Or, dans ces conventions, il n'y a pas de responsabilité en dehors du propriétaire du navire. Par ailleurs, le dommage invoqué, qui est le préjudice écologique, ne correspond pas à la notion de dommage par pollution qui est l'objet de ces conventions. Dans l'ensemble, il n'y a pas de préjudice écologique dans les textes sur lesquels l'avocat général se base pour rendre son avis. Cela se discute, mais c'est son point de vue à lui.
Les magistrats des deux premiers procès ont-ils mal jugé ?
Non, ils ont interprété les textes. En Cour de cassation, on va vérifier la b