C’est une femme sur le qui-vive que l’on rencontre ce jour-là à Tokyo. Son sac renferme des dizaines de cartes, de relevés et autant d’inquiétudes et de colères rentrées. Yukiko Tsujiyama y a même glissé un dosimètre qui ne la quitte plus pour contrôler les niveaux de radiation. Insouciante professeure de sociologie à l’université Kyoritsu il y a quelques mois encore, elle s’est muée en chercheuse scrupuleuse et citoyenne avisée. Depuis le début de la crise nucléaire à Fukushima le 12 mars 2011, elle suit au quotidien l’évolution de la centrale ravagée par le tsunami. Spécialiste de l’immigration française, cette universitaire au sourire las s’est convertie à l’info en temps réel via Twitter où elle suit les communiqués des ministères de la Santé et de l’Education. Elle y traque les derniers rebondissements sur la sécurité alimentaire du pays où les normes, les mesures tous azimuts et la multiplication des étiquettes et des actions individuelles virent à la cacophonie ces dernières semaines.
Si une bonne part des Japonais a confiance dans son système de surveillance, un nombre croissant de personnes émettent des doutes et se lancent dans une course aux aliments sains et sûrs. Quitte à bousculer les interdits et les non-dits dans une société où l’harmonie et la solidarité sont plus que jamais de mise après la triple catastrophe de l’année dernière.
En vigie et mère inquiète, Yukiko Tsujiyama redoute la contamination radioactive pour Yasuhisa, son fils de 11 ans. Car les enfants