Entre les feuillages aux couleurs automnales perce la lumière rasante d'un soleil qui ne réchauffe pas. Des arbres fantasmatiques pendent des lichens gris-vert frissonnants, sous lesquels paissent des brebis à la laine dense. Seuls le vent et les oiseaux semblent altérer le silence de l'île Riesco. Dans ce bout du monde que l'on appelle le Chili antarctique, bordé par le détroit de Magellan, le temps semble s'être arrêté. Quand, soudain, un martèlement sourd alerte les moutons surpris. «Depuis que la construction de la mine Invierno a commencé, il y a près d'un an, le bruit ne cesse de croître», s'agace, du haut de son cheval, Gregor Stipicic, éleveur de 33 ans. Blond aux yeux clairs, ce descendant d'immigrés croates possède 750 hectares et plus d'un millier de moutons, dont il exporte la viande vers l'Europe. Son exploitation, la plus petite de l'île, est aussi la plus proche de ce qui sera bientôt la plus grande mine de charbon à ciel ouvert du pays. Il en est l'un des derniers adversaires.
«Résignés». Sur une clôture de sa ferme, l'estancia Anita Beatriz, face à la seule route de l'île, devenue très fréquentée, une immense banderole : «Non à la mégamine de charbon de l'île Riesco.» Le projet chilien, d'un coût de 530 millions de dollars (430 millions d'euros), lancé par le puissant groupe distributeur de combustibles Copec et la compagnie maritime Ultramar, a été autorisé en août 2010 par les autorités, malgré une opposition soutenue dans le pays.