Derrière le foulard noir, des yeux rouges. Pas les gaz lacrymos : les forces de l'ordre se réservent pour plus tard. Pour ça : «L'émotion de voir autant de monde pour ce combat de société», lâche Jade, «squatteuse dans le coin depuis six mois». Samedi, elle résume : «On est arrivés et, à 5 kilomètres de là, à NDDL [Notre-Dame-des-Landes, ndlr], ils sont toujours pas partis ! Putain, j'y crois pas : on se sent moins seul d'un coup…»
Quel que soit le chiffre retenu (13 500 selon la police, 40 000 pour les organisateurs), il dépasse, et de loin, les prévisions des deux camps. «Autant de foule, de détermination, d'écho, sans banderoles de partis, d'assos ou de syndicats ? s'étonne un militant. Si le pouvoir croit que cette manifestation était un baroud d'honneur, il se plante : c'est un tournant, une nouvelle lutte qui commence.»
Au pied de son tracteur, Dominique Guitton a les traits tirés. «Pas beaucoup dormi toute la semaine, occupé à monter des barricades ou remettre des barbelés que des flics coupent pour que nos génisses s'échappent», sourit-il au milieu d'une marée de jeunes au look Black Block. Il y avait la guerrilla gardening, ces jardins éphémères créés dans les villes ? Voilà désormais la «guérilla» bocagère. Guitton se bat pour éviter de voir «du bitume» à la place «des légumes», comme le rêve un calicot. C'est l'un des initiateurs de Copain, réseau de paysans qui compte 1 000 ad