Une catastrophe nucléaire frappe toujours deux fois. La première, quand l’installation défaille. La seconde, lorsque la société doit composer avec la radioactivité, ce danger impalpable, sans odeur, ni couleur. Une catastrophe nucléaire ne tue pas forcément, mais elle atomise les liens humains. Aux yeux du monde, désormais, Fukushima rime avec effroi. Deux ans après le désastre qui a touché le Japon, la société nipponne se reconstruit. Si les maisons et les infrastructures détruites par le tremblement de terre ou le tsunami se réparent aisément, il n’en va pas de même pour les hommes, dont la vie a brutalement changé de cours.
Pis encore, un accident nucléaire plonge les populations dans une temporalité insoutenable. L’explosions des réacteurs a contaminé la province de Fukushima pour des siècles. Le panache radioactif a déposé un linceul invisible sur un territoire de forêts, de collines et de rizières. Plus de 300 000 personnes ont été évacuées puis relogées dans des baraquements temporaires ou dans des appartements loués par l’Etat. Aujourd’hui encore, plus de 150 000 ne sont toujours pas rentrées chez elles.
Honte. A ces situations de détresse s'ajoutent l'isolement et le sentiment de honte, puisque la société a choisi d'ignorer Fukushima. «Le Japon vit une situation de refoulement généralisé, analyse Rika Kayama, psychiatre et professeur à l'université Rikkyo de Tokyo. Les médias n'en parlent plus, les hommes politiques n