Il n’y a plus de toit, la charpente est délabrée, les vitres en morceaux, la cheminée fissurée, et sur les murs de briques grimpe le lierre. La vieille usine de Caligny (Orne) est une ancienne filature de coton, reconvertie au tissage de l’amiante dès 1904. Rachetée en 1955 par Ferodo-Valeo, fermée trois ans plus tard, elle baille à tous vents et crache de l’amiante, dix-sept ans après l’interdiction de cette fibre en France. C’est l’une des deux usines citées dans le premier rapport publié sur les dangers de l’amiante, en 1906, sous la plume de l’inspecteur du travail Denis Auribault ; elle est aussi la première où on a cardé l’amiante dans cette région, à cheval sur l’Orne et le Calvados, qu’on appelle la Suisse normande pour son paysage de bocage verdoyant. Une région sinistrée par la poussière blanche et cancérigène. La vallée du Noireau et celle de la Vère ont compté plus d’une dizaine d’usines d’amiante, avec 2 700 employés en période de pleine activité. Aujourd’hui encore, plus de dix personnes par mois y meurent d’avoir été exposées à la fibre tueuse, selon l’Association locale des victimes (Aldeva).
Poussières. Des poutres, on voit pendre et osciller dans la brise des «cartons amiante qu'on utilisait pour ignifuger les faux plafonds», indique Jean-Claude Barbé, 66 ans, vice-président de l'Aldeva, qui regroupe 700 adhérents dont 95% de malades d'asbestose (fibrose pulmonaire) ou de cancer. Tout autour de l'usine, explique