Philippe Jamet, commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), explique comment les accidents renforcent la politique de sûreté. Comme s’il existait une sorte de pédagogie de la catastrophe.
En quoi les accidents permettent-ils d’améliorer la sûreté nucléaire ?
En 1986, techniquement, il n’y a pas eu de leçon directe à tirer de l’accident pour les réacteurs français, car ils sont complètement différents des réacteurs russes, les RBMK. Ce qui s’est passé est essentiellement un accident de l’emballement de la réaction nucléaire. Nous avons donc pris le problème de manière plus générale, en nous demandant si on pouvait imaginer des scénarios donnant lieu à un tel emballement. Nous avons imaginé des défaillances en cascade et nous avons trouvé quelques scénarios qui pourraient conduire à un début d’emballement. Nous avons imposé à EDF de modifier ses centrales pour supprimer ce risque.
Pourquoi ne pas imaginer directement le pire ?
Il faut faire un distinguo entre les marges que l’on recherche et le réalisme de ce que l’on prévoit. Pour Fukushima, on n’avait pas imaginé toutes les séquences qui pouvaient conduire à plusieurs fusions de cœurs sur les réacteurs d’un même site, au même moment. La résistance de la centrale, les choix faits dans sa construction résultent des études menées, des modélisations. Cela ne se fait pas au doigt mouillé. Les modèles de calcul de tsunami existaient. Seulement, on avait sous-estimé la violence des phénomènes géologiques qui peuvent les provoquer.
Et au-delà des améliorations techniques que chaque accident impose, qu’a apporté Tchernobyl ?
Tchernobyl a été le déclencheur de la grande réflexion sur la transparence. Nombre d’experts souhaitaient qu’on