Cet article d'actualité-fiction a été publié dans notre édition spéciale «Libération en 2053», à l'occasion des 40 ans du journal.
Les animaux existent. Même si aujourd'hui, il ne reste pratiquement plus que des animaux domestiques, ceux utiles à l'homme, nourriture, confort ou agrément. A la fin du XXe siècle déjà, le poulet était l'oiseau le plus répandu. Côté mammifères, le rat abonde encore, mais les progrès de la stérilisation chimique devraient y mettre bon ordre. Le marché de l'ivoire aura raison du dernier éléphant, et il ne restera, hors zoos, plus aucune trace d'activité du tigre sur la planète.
Que deviendra l’humain, sans les animaux ? Les tout premiers dessins des hommes, sur les parois des cavernes, ce sont des animaux. Ni des plantes, ni d’autres humains, ni, je ne sais pas, la lune ou des rochers. Non, ce sont les autres vivants dotés d’un regard. Nous ne sommes pas seuls à regarder le monde. Et nous sommes regardés. Le premier chien venu, le premier chat : qui regarde qui, on ne sait pas. Il y a dans ces yeux animaux une attente qui n’est pas un besoin, un désir qui n’est pas de la faim, une présence, presque un sujet, du vivant individué… Comment dire ? La langue humaine trouve une limite face aux animaux. Ils sont ceux qui nous ressemblent mais ne parlent pas, et cette proximité nous fascine et nous inquiète. Dans le règne du vivant, ils sont notre seule al