Menu
Libération

Sivens : le Président, ses ministres, et la renoncule

Article réservé aux abonnés
Sivens, barrage morteldossier
publié le 2 novembre 2014 à 17h16

Le Président sort du HLM. Il est seul. Il s'approche des caméras qui l'attendent sur le parking. «Comment avez-vous trouvé la famille ?» lui demande le reporter de télé. Trois secondes de silence. «Je vous dirai simplement ces quelques mots», commence le Président. Autre silence. «J'ai voulu apporter à cette famille en deuil le témoignage de la Nation.» Encore un silence. «Et lui dire personnellement ma peine devant ce grand malheur.» A peine a-t-il insisté sur le mot «peine». Pas un mot de plus. Le témoignage de la Nation. Personnellement. Ma peine. Ce grand malheur.

Il faut remonter loin, très loin en soi, pour retrouver le frisson d’outre-siècle que suscitent ces quelques mots. Mitterrand, Chirac, Malik Oussekine, années 80, manifs étudiantes à Paris. Et cette consolation de se sentir exprimé, tout simplement exprimé, avec ses douleurs intimes, avec ses blessures, par le Président, élu de la Nation. Sa peine, sa simple peine, chuchotant à l’oreille de la nôtre.

Evidemment, François Mitterrand, en 1986, est président en période de cohabitation. Evidemment, sa visite immédiate à la famille de Malik Oussekine était aussi un geste d’opposition politique au duo de ministres Pasqua - Pandraud, responsable du maintien de l’ordre. Mais est-il interdit d’être habile ? Et tout de même, combien de jeunes, combien de pères, combien de parents, en écoutant François Mitterrand, se sont sentis comme rassurés d’avoir, devant eux, un président de