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Grand angle

Amiante : «Le déni du crime industriel»

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La Cour de cassation italienne a annulé la condamnation de l’ex-propriétaire d’Eternit, accusé d’avoir provoqué un désastre environnemental et la mort de milliers de personnes. Jean-Paul Teissonnière, avocat des victimes en France, et Annie Thébaud-Mony, sociologue en santé publique, déplorent que l’impunité perdure.
publié le 4 décembre 2014 à 18h36

Les crimes industriels et environnementaux seront-ils jamais punis à la hauteur des catastrophes collectives qu’ils engendrent ? La Cour de cassation italienne a rendu, le 19 novembre, un arrêt désespérant : la plus haute institution judiciaire italienne a gommé le procès qui portait les espoirs des victimes de l’amiante dans le monde entier, le plus grand procès pénal jamais organisé dans ce scandale sanitaire et environnemental. Elle a annulé l’arrêt rendu en 2013 par la cour d’appel de Turin et acquitté le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny.

Cet ancien propriétaire d'Eternit, firme productrice d'amiante-ciment, avait été condamné à dix-huit ans de prison pour avoir causé intentionnellement une «catastrophe sanitaire et environnementale permanente», via ses quatre usines italiennes, et provoqué ainsi la mort de 3 000 personnes. Le procureur général a estimé prescrits les faits incriminés. Stupeur et colère des familles de victimes, indignation de tous les partis politiques italiens. Jusqu'au chef du gouvernement, Matteo Renzi, qui a promis de changer le «système des procès» pour mettre fin au «cauchemar de la prescription».

Car l’amiante, serial killer cancérogène interdit en Italie depuis 1992, continue à tuer. Deux jours après la sentence de la Cour de cassation, la liste des victimes de Casale Monferrato, l’ex-capitale piémontaise du ciment-amiante, où Eternit a fermé ses portes en 1986, s’est allongée de trois noms : Maria Luisa Dellavalle