Les crimes industriels et environnementaux seront-ils jamais punis à la hauteur des catastrophes collectives qu’ils engendrent ? La Cour de cassation italienne a rendu, le 19 novembre, un arrêt désespérant : la plus haute institution judiciaire italienne a gommé le procès qui portait les espoirs des victimes de l’amiante dans le monde entier, le plus grand procès pénal jamais organisé dans ce scandale sanitaire et environnemental. Elle a annulé l’arrêt rendu en 2013 par la cour d’appel de Turin et acquitté le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny.
Cet ancien propriétaire d'Eternit, firme productrice d'amiante-ciment, avait été condamné à dix-huit ans de prison pour avoir causé intentionnellement une «catastrophe sanitaire et environnementale permanente», via ses quatre usines italiennes, et provoqué ainsi la mort de 3 000 personnes. Le procureur général a estimé prescrits les faits incriminés. Stupeur et colère des familles de victimes, indignation de tous les partis politiques italiens. Jusqu'au chef du gouvernement, Matteo Renzi, qui a promis de changer le «système des procès» pour mettre fin au «cauchemar de la prescription».
Car l’amiante, serial killer cancérogène interdit en Italie depuis 1992, continue à tuer. Deux jours après la sentence de la Cour de cassation, la liste des victimes de Casale Monferrato, l’ex-capitale piémontaise du ciment-amiante, où Eternit a fermé ses portes en 1986, s’est allongée de trois noms : Maria Luisa Dellavalle