Selon l’Institut de veille sanitaire, l’amiante, interdit en France depuis 1997, pourrait provoquer d’ici à 2050 entre 68 000 et 100 000 morts. Il faut lire le dernier livre d’Annie Thébaud-Mony pour comprendre comment on a pu laisser sévir si longtemps cette fibre hautement cancérigène dont les effets étaient pourtant connus. Sociologue, spécialisée en santé publique, directrice de recherche honoraire à l’Inserm, elle s’appuie sur son expérience professionnelle et sur celle d’Henri Pézerat, toxicologue connu pour son engagement scientifique et citoyen contre l’amiante, qui fut son compagnon de vie et de lutte. Elle met en lumière la stratégie forgée par les compagnies pour occulter les risques industriels.
Quatre dossiers emblématiques : le plomb, l’amiante, la radioactivité et les substances chimiques permettent de vérifier que, chaque fois, les effets de ces toxiques notoires ont été minorés, mis en doute, ou bien noyés dans des controverses scientifiques artificielles, ou encore occultés par la disqualification des scientifiques qui les avaient démontrés.
Cette stratégie du doute, cette fabrique d'incertitude, a notamment permis de promouvoir durant des années un «usage raisonné ou contrôlé» de l'amiante, prétendu sans danger, ou d'assurer que certaines fibres comme le chrysotile n'étaient pas cancérigènes. Une stratégie cynique et efficace, dénonce l'auteur : «80% de l'amiante produit l'a été après la mise en évidence du fait que le mésothéliome, ce cancer terrible, é