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Libération

L’hydrolien très en vogue

COP21, la société civile s'engage pour le climatdossier
Secteur prometteur, l’énergie des courants sous-marins attire les industriels.
publié le 28 mai 2015 à 18h56

Jadis énergie marémotrice, aujourd'hui éolien marin, demain hydrolien… L'énergie des courants sous-marins est, avec celle des vagues (appelée «houlomotrice»), destinée à rejoindre la cour des grands pour produire de l'électricité propre. Surtout en France, où il existe un gisement de choix : le raz Blanchard, au large du Cotentin, 5 000 mégawatts théoriquement disponibles. Soit la puissance de trois réacteurs nucléaires comme l'EPR, en chantier juste à côté à Flamanville.

C’est précisément au cœur de cette chasse d’eau géante que doivent s’implanter, en 2017 et 2018, les deux fermes pilotes retenues à l’issue d’un appel à projets lancé en 2013 au titre du programme des investissements d’avenir : un premier parc de quatre machines développant chacune 1,4 mégawatt, porté par le duo Alstom-Engie (ex-GDF-Suez), et un deuxième, de sept fois 2 mégawatts chacune, œuvre du consortium DCNS-EDF. Ce dernier a pris une longueur d’avance un peu plus à l’ouest, au large de Paimpol (Côtes-d’Armor), en aménageant un site grandeur nature destiné à évaluer le gisement mais aussi à tester le raccordement à terre et la technologie dite «à trou central» d’Openhydro, une firme irlandaise rachetée par DCN.

Le 8 mai, un cargo en provenance de Pologne a livré une partie de la première turbine de 16 mètres de diamètre destinée à remplacer les maquettes testées jusque-là. «Nous travaillons aujourd'hui sur presque un gigawatt [1 000 mégawatts] de projets en développement dans le monde, l'équivalent d'un quart de la demande en électricité de l'Irlande», indique Openhydro dans un communiqué célébrant ses dix ans et chiffrant ce marché à 200 milliards d'euros.

Turbines. Mais ce n'est qu'après l'étape des fermes pilotes que viendra celle des fermes commerciales, dont le syndicat des énergies renouvelables escompte 3 000 mégawatts installés dans les mers françaises en 2030. Ces expérimentations sont indispensables pour livrer une donnée-clé : la disponibilité, c'est-à-dire le nombre minimal d'heures de fonctionnement des machines dans l'année et, surtout, une indication du coût de production de cette électricité. Dans les études, il oscille entre 25 et 30 centimes le kWh, encore beaucoup trop. «Il faut confirmer la viabilité technico-économique de la filière et ses possibilités de développement à grande échelle», dit-on chez Engie, qui concourt dans le raz Blanchard avec le modèle Oceane d'Alstom. La firme entend tirer profit de son expertise dans l'éolien offshore avec les projets de parcs du Tréport (Manche) et d'Yeu-Noirmoutier (Atlantique), qu'elle a remportés avec du matériel Areva. De son côté, EDF capitalise sur les futurs parcs de Fécamp, Courseulles et Saint-Nazaire, qui seront équipés d'éoliennes Alstom.

Bon vent. Dans l'hydrolien, Engie ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Le groupe s'exerce en Ecosse, avec une machine du constructeur Voith, star allemande du secteur. Il va aussi s'entraîner en Bretagne, dans le passage du Fromveur, un projet destiné à produire de l'électricité pour l'île d'Ouessant. Pour celui-là, il s'est allié à Sabella, concepteur d'un moulin de 10 mégawatts et lauréat d'un appel à projets de recherche et développement en 2009. Fin avril, le tout Brest a baptisé la machine sur les quais du port où elle a été assemblée, lui souhaitant bon vent pour ses premiers tours de pale dans les eaux du Fromveur.

Pour Jean-François Daviau, le patron de Sabella, c’est là un défi autrement plus délicat que les essais menés avec une machine plus petite dans l’Odet, le fleuve qui traverse Quimper. Car l’hydrolien convient également à l’eau douce, pour peu que le courant soit puissant. Un site d’essais a été aménagé dans la Garonne à Bordeaux, et une machine produit de vrais kilowattheures dans la Loire à Orléans.