Tribune. Après de nombreuses alertes scientifiques, une partie de la population mondiale, et particulièrement la jeunesse, connaît un réveil écologiste. Les générations passées n'ayant pas mesuré le danger de leurs actes pour le Système-Terre, et les décideurs publics et privés n'ayant pas pris leurs responsabilités, il devient urgent que ce réveil s'étende et se pérennise. Il devient urgent que les cadres du pays désormais pensent et agissent temps long. Il devient urgent qu'ils engagent la planification écologique à toutes les échelles.
Cela dans les instituts d’études politiques en premier lieu. Car Sciences-Po n’est pas en reste. Car les écoles formant les dirigeants de demain ont une grande part de responsabilité face à la faillite écologique d’une partie des décideurs. Face à la catastrophe écologique. Face à l’Anthropocène. Car le monde d’après commence maintenant.
Les associations étudiantes écologistes fleurissent dans ces écoles. Les fortes mobilisations des Fridays For Future ont massivement gagné le cœur et l'esprit des étudiants des Sciences-Po de France et les ont poussés à l'action. Le Manifeste étudiant pour un réveil écologique avait également vu de nombreux étudiants d'instituts d'études politiques y apposer leur signature.
Un rapport de 29 propositions
Des étudiants de Sciences-Po Saint-Germain, impliqués dans les mobilisations pour le climat et la biodiversité de 2019, ont choisi la voie de l’action écologiste. Concrète, ambitieuse, collective. Ils ont pris avec gravité la mesure des alertes que nous adressons à l’ensemble de la société depuis de nombreuses années. Sur le dérèglement climatique. Sur l’effondrement de la biodiversité. Sur l’artificialisation grandissante des sols. Sur la croyance aveugle dans la croissance économique. Pour ce faire, ils ont rédigé un rapport de 29 propositions pour que leur école prenne la voie de la planification écologique. Ils ont été encouragés et appuyés par leur administration tout au long de ce projet.
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Forts du soutien de près de 200 étudiants et de l’ensemble des associations de leur école, ils ont remis ce rapport à leur directrice la semaine passée, qui s’est d’ailleurs félicitée du travail accompli. Nous espérons qu’elle saura y donner des suites favorables en mettant en œuvre un «Plan vert» comme le prévoit la loi Grenelle I… de 2009 ! Nous soutenons cette initiative que nous considérons comme pertinente et ambitieuse.
Ces étudiants ont su trouver la recette d’une planification écologique réussie pour un établissement de l’enseignement supérieur. Ils ont travaillé sur l’écologie du quotidien, l’enseignement de l’écologie, l’aménagement écologique de leur campus, le fonctionnement écologique de leur administration et enfin le financement de la planification écologique. Nous considérons que c’est un travail remarquablement complet, qui pourrait être répliqué ailleurs.
Cinq propositions écologistes fondamentales
Les auteurs du rapport ont établi des propositions écologistes fondamentales dont nous nous faisons l’écho. La première qui s’inscrit dans l’écologie du quotidien, appelle l’établissement à devenir écoresponsable.
Pour ce faire, il devrait respecter la logique des «3R» : réduire l’utilisation du papier, réutiliser les déchets alimentaires et recycler les mégots de cigarette.
Il faudrait aussi encourager le développement de la biodiversité sur le site de l’école en installant une spirale aromatique ainsi qu’un potager respectant les dix principes de l’agroécologie.
La seconde concerne l’enseignement de l’écologie. Elle appelle l’établissement à instaurer un parcours scolaire obligatoire sur l’écologie. Il comprendrait des enseignements sur l’Anthropocène, sur les humanités environnementales et sur l’économie écologique, pour l’ensemble des années de formation.
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La troisième relative à l’aménagement écologique du campus, appelle l’établissement à réaliser un audit énergétique global. Il pourrait y être inclus un bilan carbone et un plan de végétalisation du site.
La quatrième, qui touche l’institutionnalisation de l’écologie, appelle l’établissement à rendre écologique le fonctionnement de son administration. Une commission de suivi de la planification écologique pourrait à ce titre être créée. Chargée d’élaborer le «Plan vert» et d’évaluer son application, elle serait composée à 50% d’étudiants, à 25% de scientifiques et à 25% de membres de l’administration de l’école. Elle pourrait également rendre un avis non contraignant sur toutes les décisions de l’administration concernant l’environnement.
Enfin, la cinquième s’inscrit dans le financement de la planification écologique ; elle appelle l’établissement à développer une politique financière responsable et juste. Concrètement, celui-ci refuserait la contribution des banques qui soutiennent les énergies fossiles et développerait des partenariats avec des banques éthiques et solidaires.
Pour une convergence des mouvements écologistes
Les étudiants de Sciences-Po Saint-Germain ayant rédigé ce rapport espèrent voir fleurir des initiatives du même genre, notamment dans les autres instituts d’études politiques. Ils savent qu’ils ne sont pas seuls à se préoccuper de l’urgence écologique. Ils savent que d’autres collectifs et associations s’emploient à sensibiliser et répondre concrètement aux chocs qui menacent. Mais ils savent aussi que ces initiatives restent cloisonnées, séparées et cantonnées à leur école. Ils en appellent donc à une convergence des mouvements écologistes des instituts d’études politiques de France. Tout en espérant une coordination nationale des initiatives étudiantes écologistes. Le verdissement d’apparat et localisé ne suffit pas.
Parce que notre avenir sera global et collectif, ou ne sera pas. Sciences-Po peut être vert certes, mais aussi et surtout dirigé vers l’avenir!
Signataires : Aurélien Barrau, astrophysicien, Dominique Bourg, philosophe, directeur de la rédaction de la revue la Pensée écologique, Valérie Cabanes, juriste et présidente d'honneur de Notre Affaire à tous, Margot Duvivier, présidente du Réseau français des étudiants pour le développement durable, Gaël Giraud, ancien chef économiste à l'Agence française de développement et président d'honneur de l'Institut Rousseau, Jean Jouzel, climatologue et directeur de recherche émérite au CEA et Julien Vidal, fondateur du mouvement Ça commence par moi.