Ceci n'est pas le récit de personnes malveillantes happées par leur avidité. C'est l'histoire d'une agence publique qui semble avoir oublié son essence même : préserver la santé publique. Après deux semaines d'enquête, Libération révèle plusieurs conflits d'intérêts majeurs dans le traitement du dossier glyphosate, qui entachent la réputation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), une référence mondiale de la régulation publique environnementale. Le sujet est crucial car la France est rapporteure du dossier de réautorisation européenne de l'herbicide controversé pour 2022. L'Anses doit jouer un rôle décisif dans cette future décision qui promet, une nouvelle fois, d'être source de tensions entre les pays européens. Et tranchera l'avenir du glyphosate sur le marché de l'UE.
Nous sommes le 18 mai 2019. Au micro d'Europe 1, le directeur de l'Anses, Roger Genet, affirme sans détour : «Aujourd'hui, en France, il n'y a pas de risque sanitaire avec les produits à base de glyphosate, qui sont utilisés dans des conditions strictement encadrées.» Glyphosate. Qui entend ce mot sait que des polémiques suivront rapidement. Le principe actif le plus utilisé au monde dans des pesticides est suspecté d'être dangereux pour la santé humaine, provoquant cancers et perturbations du système hormonal.