On les retrouve désormais partout, des trottoirs aux fonds des océans. Dès la première vague de l'épidémie, la question de la fin de vie des masques sanitaires jetables s'est posée. Depuis, l'augmentation massive de leur production (50 millions par semaine au mois d'août, selon la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, qui prévoit de doubler ce nombre d'ici au mois de décembre) n'a cessé de démultiplier leur impact environnemental.
En amont tout d'abord, puisqu'«une fabrication accrue met une pression sur l'énergie et l'eau, en plus de puiser du pétrole. Les masques sont fabriqués en propylène, qui est un dérivé du pétrole», indique Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer chez Zero Waste France. Et en aval parce que les masques «ne se dégradent pas facilement dans l'environnement» et vont «disséminer des microplastiques dans la nature».
Lorsqu'ils sont jetés à la poubelle, ces protections sanitaires sont enfouies ou incinérées, un processus qui «rejette du CO2 (malgré un seuil réglementaire) et des résidus de fumées toxiques». L'association estime qu'à l'échelle française, une consommation quotidienne de deux masques jetables par personne représente environ 400 tonnes de déchets plastiques tous les jours. Elle encourage donc, à l'instar du Haut Conseil de la santé publique, à privilégier autant que possible les masques grand public réutilisables.
Initiatives locales et expérimentations
Pour limiter le gâchis, une poignée d'entreprises françaises spécialisées dans le traitement des déchets se sont mises à les recycler. Parmi elles, Cosmolys à Avelin (Nord) et Plaxtil à Châtellerault (Nouvelle-Aquitaine). Collectés dans des bornes placées dans des boutiques, des pharmacies ou des services publics, ceux-ci sont placés en quarantaine pendant plusieurs jours, désinfectés aux ultraviolets, débarrassés (à la main) de leur tige métallique puis broyés et transformés pour fabriquer «toutes sortes d'objets en plastique par moulage» : visières de protection, ouvre-portes, boîtes à masques mais aussi kits pour écoliers (règles, rapporteurs)…
Depuis juin, la jeune pousse a déjà traité entre 150 000 et 200 000 masques et projette de s'étendre à d'autres agglomérations de la région dans le courant du mois de novembre. Le frein n'est pas tant celui du procédé de recyclage en lui-même que de la collecte et des enjeux de sécurité qui l'accompagnent. Malgré cela, des initiatives émergent çà et là. En septembre, l'entreprise de recyclage TerraCycle a placé des points de collecte dédiés aux masques dans une dizaine de magasins Carrefour en région parisienne.
«Groupe de travail d’experts»
Mais il manque encore des solutions à plus grande échelle, capables de faire face à la montagne de déchets qui croît de jour en jour. Evoquée par l'ancienne secrétaire d'Etat à la Transition écologique, Brune Poirson, dès le printemps, la filière nationale de collecte et de recyclage des masques tarde à se mettre en place. Contactée, la région Ile-de-France explique avoir «installé un groupe de travail d'experts sur les possibilités de collecte pour les déchets grand public jetés en vrac et les déchets médicaux issus des professionnels de santé». Elle lancera d'ici à la fin de l'année un appel à manifestation d'intérêt pour le recyclage lui-même avec pour objectif de trouver deux à trois solutions technologiques à déployer sur le territoire. «Chaque projet innovant sera subventionné à hauteur d'1 million d'euros l'an prochain pour qu'il soit opérationnel à l'été 2021», promet-elle.
En parallèle, des chercheurs aspirent à éradiquer purement et simplement ces déchets… en les réutilisant. Mi-septembre, un consortium réunissant des laboratoires de recherche et des hôpitaux français a annoncé avoir mis au point, à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux, un procédé de traitement par fluide supercritique permettant de «nettoyer et de décontaminer les masques chirurgicaux ou FFP2 sans nuire à leur capacité de filtration». Un brevet a été déposé au début de l'été et un projet de maturation est en cours pour faire sortir le procédé des laboratoires.