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Libération
Critique

«Chaos debout» sauvé par le gong.

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Festival d'Avignon. Un mélo qui s'achève sur un malaise bienvenu.
publié le 16 juillet 1998 à 6h08

La scène est à Moscou en 1995, dans la cuisine d'un appartement communautaire. Le scénographe Alain Chambon s'en est donné à coeur joie, du carrelage crasseux aux gazinières de chacun des locataires, en passant par les frigos miteux, les robinets d'évier qui grondent, les portes qui grincent, les entassements de vaisselle, le téléphone mural, les valises en carton que l'on devine dans le couloir. Un décor plus vrai que nature, une accumulation de signes, comme un clin d'oeil aux beaux jours du «théâtre du quotidien», quand, il y a vingt ans, à Vitry, Jacques Lassalle explorait les possibilités radicales de l'hypernaturalisme.

Chronique. Sur fond de guerre en Tchétchénie, Chaos debout est une chronique de la vie des locataires de l'appartement. Rentré du front depuis peu avec une blessure à la jambe, Iouri est un homme détruit et impuissant, auquel Katia, sa jeune femme, ouvrière, tente d'arracher le récit de sa guerre. Si Iouri prétend ne se souvenir de rien, Babouchka, la vieille femme, incarne la mémoire des ombres du passé: elle a été dénoncée en son temps (et envoyée en camp) par le père de Iouri, vieillard incontinent et grabataire qui vit lui aussi dans l'appartement et ne quitte jamais la chambre. Quant à Gricha, jeune homme porté sur divers trafics, il reçoit une feuille de route pour la guerre. Reste encore un couple de locataires invisibles (ils ne se manifestent qu'en tapant contre le mur). Toutes les portes donnent sur la cuisine, lieu théâtral pa