Ce ne sont pas tant les yeux ou le timbre de la voix qui frappent que la puissance: cou musclé, poings serrés, un physique de terrien que rien ne semble avoir altéré. Tourmenté mais sans ravages, le visage n'accuse pas les 55 ans, comme s'il restait en lui quelque chose de l'enfant prodige. Juste avant Mai 68, Patrice Chéreau était le grand espoir du théâtre français. Il n'a depuis jamais déçu. On l'imagine à l'époque en bel adolescent rebelle. Ceux qui l'ont connu démentent: «Moche, boutonneux à lunettes, très inhibé», se souvient un ami. Mais le magnétisme fonctionnait déjà: une façon incroyablement rapide d'enchaîner les idées et d'imposer son intelligence.
Il y a six mois, il était à Cannes avec Ceux qui m'aiment prendront le train et l'espoir de décrocher la palme d'or, ou du moins une reconnaissance officielle. Encore raté. Autant le parcours de Patrice Chéreau metteur en scène de théâtre et d'opéra ressemble à une longue success story, autant celui de Patrice Chéreau cinéaste est jalonné de déceptions et de malentendus. Pour Ceux qui m'aiment", la critique était bonne, mais les spectateurs n'ont guère embrayé. Son film précédent, la Reine Margot, avec le visage d'Isabelle Adjani et l'argent de Claude Berri, a vécu un sort inverse: assassiné à la sortie, il a fait deux millions d'entrées qui n'ont pas suffi à le rentabiliser. L'Homme blessé, en 1983, était resté ignoré du grand public, et Judith Therpauve, en 1978 avec Simone Signoret, encore plus. Et que dire de la Cha