«J'écris la vérité, et cela me tue.» Sarah Kane, 27 ans, sulfureuse et retentissante gloire du plus récent théâtre anglais, s'est suicidée le vendredi 20 février, où elle a été retrouvée pendue dans son appartement. Elle se sera donné la mort comme elle a donné vie à ses personnages: entre violence noire et sinistre calme. Habitée par un compact et pudique désespoir, elle, presque une jeune fille encore, dans son apparence rangée de blonde toute mince, capable de grands éclats de rire, de générosité vraie, elle dont le talent sauvagement glauque explosa en janvier 1995 dès la création de Blasted. Très récemment traduite en français sous le titre d'Anéantis (1), cette première pièce a provoqué un scandale et d'emblée constitué une rare et vraie découverte. Dès la première au Royal Court Theater, la critique outrée souligna que rien d'aussi «immonde» n'avait été osé, depuis Sauvés d'Edward Bond en 1965 où un bébé se faisait lapider. On analysa les influences: Bond certes, Sophocle, oui, Shakespeare bien sûr, Racine peut-être, Beckett évidemment.
Gril de pénis sur barbecue. L'Europe théâtrale entière entendit immédiatement parler de la maîtrise de cette nouvelle venue qui mettait en scène des humains à tout le moins «explosés-défoncés» et pris dans telle escalade de viol homosexuel, de séances de masturbation et fellation, où, tout en se pissant et se chiant dessus, les héros captifs dans une chambre d'hôtel (hantée par la guerre en Bosnie) cédaient au cannibali