Un psychiatre débarque un soir d'automne dans un ancien monastère transformé en asile, «au fin fond des Balkans». Six malades cinq hommes et une femme y survivent, affamés et terrorisés par les loups. Il n'y a pas de chauffage et ils se sont entassés dans la même chambre, avec pour distraction principale une antique télévision dont le son est en panne. Ce n'est pas trop grave puisque Hatcho, «alias la télé», s'en charge. Il est imbattable pour lire sur les lèvres de la speakerine les nouvelles du 20 heures. Qui, invariablement, fait état de violents combats autour de Sarajevo et du parachutage imminent d'une aide humanitaire de l'ONU.
Asile. En fait, les Quarante-Saints-Martyrs c'est le nom de l'asile ressemble à un cercle de l'enfer: le temps y est suspendu et la catastrophe toujours recommencée. Les fous parviennent cependant à y maintenir un semblant d'humanité. Leur salut ne viendra pas du médecin, mais de l'un des leurs, Fétissov, colonel de l'ex-armée Rouge, aphasique depuis des années, qui, peu après l'arrivée du docteur, retrouve l'usage de la parole, le goût du commandement et même une perspective d'avenir pour ses compagnons: ils se proclament «sous-division de l'ONU», déclarent l'indépendance de leur «territoire européen séparatiste au sein des Balkans» et décident d'en informer le monde en lâchant des centaines d'oiseaux porteurs de messages à l'attention de l'Otan, l'ONU, l'Unesco, le Parlement de Strasbourg «et Dieu sait où encore». Avan