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Libération
Critique

Théâtre passe muraille

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Autour du bagne de Robben Island, souvenirs de l'apartheid aux Bouffes du Nord.
publié le 14 octobre 1999 à 0h58

Long vrombissement d'une sirène aiguë. Dans cette menace sonore, une lumière de mirador isole une plate-forme en bois blanc, petit carré surélevé, avec, dans un coin, deux grossières couvertures roulées et, dans l'autre, un seau en zinc et des gobelets d'alu pour figurer une cellule, entre autres de la prison de Robben Island: geôle d'Afrique du Sud, en pleine mer, mais visible du Cap. En ce bagne, le futur président Nelson Mandela, et bien d'autres opposants à l'apartheid, furent détenus des années. L'île de sinistre mémoire est devenue aujourd'hui un mémorial. Or c'est en 1973 qu'Athol Fugard, auteur né d'une mère afrikaner et d'un père anglo-saxon, présenta The Island pour la première fois à Londres, au Royal Court, où cette création fit l'effet d'un coup de tonnerre.

Vénérés par Mandela. Cette pièce avait été coécrite, et rodée, à Cape Town avec la complicité et l'intense participation de deux comédiens des Serpent Players: John Kani et Winston Ntshona. Ceux-ci donnèrent leurs prénoms à la paire de captifs condamnés aux travaux forcés et tentant de répéter pour leur survie mentale des pans entiers de l'histoire d'Antigone face à Créon. A l'époque, déjà, le prénommé Winston travaillait dans une épicerie. Quant à John, pour alors obtenir un visa britannique, il se fit passer pour le domestique de Fugard ­ pour son jardinier exactement. Ensuite, ils seraient reçus à Broadway, en Australie, poursuivraient, au cinéma et au théâtre, carrières" Vingt-six ans plu