Blasted. Foudroyé, éventré, anéanti. Le jet sonore du mot traduit la violence de l'explosion. A sa parution en 1995, Anéantis, première pièce publiée de Sarah Kane, provoque aussitôt le scandale et la célébrité de l'auteur qui n'a alors que 24 ans. Les réactions de condamnation se multiplient, certains en appellent même à la censure pour faire retirer de l'affiche cette histoire où un soldat gobe les yeux de celui qu'il vient de sodomiser avant de se faire sauter la tête; sa victime affamée dévorera le cadavre d'un nouveau-né.
Violence. Edward Bond, qui eut à subir les mêmes foudres à la sortie de Sauvés, dans les années 60, prit fait et cause pour la jeune femme découverte, comme lui, par le théâtre du Royal Court et qu'il considérait comme la plus brillante représentante de la nouvelle dramaturgie britannique. La question évidemment centrale au théâtre de la représentation, et plus particulièrement de la représentation de la violence, est chez Sarah Kane posée de manière radicale. Son suicide en février 1999, laissant derrière elle une oeuvre évolutive de quatre pièces (éditions de l'Arche), a parachevé la légende sulfureuse. En France où on la découvre peu à peu, comme en Angleterre, les salles de spectacle se remplissent à son seul nom. Le plus souvent par ce même effet de voyeurisme que la dramaturge n'a cessé de dénoncer. Rarement pour écouter la poésie de ses textes.
Pièce sauvage, plus brute dans sa composition que Purifiés et Manque qui suivront, Anéa