Il y a le mistral, la pierre des hauts murs du Palais des Papes, la voix des souvenirs qui nous lient à ce lieu, ceux que l'on a vécus, les autres dont nous sommes aussi porteurs. Mais nous sommes chez nous, solitude quotidienne, et voilà que l'eau frémit sur la scène. Une vieille femme est là qui nous parle, ne cache rien du drame qui s'annonce. Sait qu'une femme va entrer tout à l'heure sur le plateau immense et tout à l'heure commettre un crime immense. Le crime. Après avoir éliminé sa rivale, Créon et Jason, son mari, elle va égorger ses enfants et devenir Médée, la première héroïne de tragédie. L'histoire est connue qui n'en finit pas de nous coller le frisson. La preuve, nous sommes là, chez nous, solitude quotidienne, curieux de cette expérience étrange: voir ce que la télévision d'aujourd'hui fait de cette affaire-là si essentiellement théâtrale. Voir un peu ce qu'elle fait de l'espace du théâtre. Pas seulement celui du plateau, immense, d'Avignon. Cet espace sacré entre le spectateur et les comédiens. Entre le spectateur et la tragédie qui se noue. La tragédie, justement, va-t-elle tenir la route, là, deux mètres à peine entre l'écran et nous? On tremble qu'elle ne soit réduite à rien. Mais non. Médée arrive, précédée de ce vent de folie qu'elle a fait se lever. Qui est-elle? Une «âme mordue par le malheur»? Une «âme vive», tout simplement? Une femme en exil de son pays, de son père, de son frère? D'elle-même? Une criminelle d'hier, de demain? Une femme qui habite t
Critique
Garder Médée à distance
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par Sophie ROSTAIN
publié le 20 février 2001 à 23h04
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