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Libération

Armand Gatti retourne au parloir

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Pour réaliser un «Livre errant», l'écrivain rencontre des condamnés à de longues peines.
publié le 25 novembre 2003 à 2h02

Dans le quartier des activités dites socioculturelles, au bout du couloir qui longe les ateliers calligraphie, poterie, bois, c'est la salle de spectacles. Tout en haut, deux surveillants. Au pied de la scène, sur une table, est posée la Parole errante (éd. Verdier), d'Armand Gatti. «C'est là que tous les quinze jours un prêtre vient dire la messe», explique un détenu. Ce vendredi de novembre, l'écrivain Armand Gatti, «80 balais» rappelle-t-il, a répondu à une invitation.

Changer le monde «Articulez !» Gatti se dresse. Fulmine. Les bras levés, les mains volant dans l'air, il répète : «Articulez votre nom. Sinon on capitule !» La scène se passe à la D2, la division des condamnés aux longues peines. 400 environ, sur les 800 détenus au centre de détention de Val-de-Reuil, en Seine-Maritime. Ils sont quatre du «C.D.», comme on dit ici, à être venus l'écouter. Gatti aboie presque : «Je suis venu vous rencontrer. Qu'est-ce qu'on fait alors, si on ne s'entend pas !» Il tend les cahiers que lui a remis l'un des détenus : «En voyant ce qui a été écrit, je suis ébloui. J'ai fait cinq prisons différentes, et pour couronner le tout, la concentration. Et je m'aperçois maintenant que ce sont les grands moments de ma vie.»

Et de citer Blanqui : «"Quarante ans en prison, 27 prisons différentes", il dit : "Mes moments de liberté, je les ai connus en prison."» En face, Bernard, qui a écopé de vingt ans, lance : «C'est vrai. La prison est une terre de métamorphose.» Les mains de