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Libération
Interview

La guerre de Bond

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Entretien avec Alain Françon, qui présente trois pièces du dramaturge anglais, auteur d'un théâtre où «tout acte est à la fois destructeur et créatif».
publié le 11 juillet 2006 à 21h53

Douze ans après le choc de Pièces de guerre, le metteur en scène Alain Françon est de retour en Avignon avec trois pièces du dramaturge anglais Edward Bond. Dans Naître, achevée en 2003, les hommes vivent dans un univers soumis à la terreur d'une police de guerre qui traque les derniers vestiges d'humanité. La tonalité n'est guère plus réjouissante dans Chaise et Si ce n'est toi, qui se situent en 2077, au sein d'une société ultrarépressive. Radicalement pessimiste, l'écriture d'Edward Bond cherche toujours à replacer le théâtre au coeur des convulsions du monde.

Peut-on dire que, chez Bond, l'obsession du passé ­ Auschwitz et Hiroshima ­ a cédé la place à une obsession de l'avenir ?

Même s'il situe certaines de ses pièces en 2077, il ne se prend pas pour un prophète ou un prédicateur. Mais il est sans doute aujourd'hui plus intéressé par l'histoire à venir que par l'examen du passé. La question du devenir de l'humanité, de ce qu'il préfère appeler «l'humanitude», est essentielle : «Qu'est-ce que cela voudra dire d'être un être humain dans deux générations ?» Dans un monde où, comme dans Si ce n'est toi, le passé est interdit et l'autorité n'a pas de visage ? Ce n'est pas seulement la mort qui est présente, mais les morts. Dans Naître, ils reviennent tous à la fin. Comme si les cadavres de la guerre d'Irak se retrouvaient dans la cuisine.

En quoi son théâtre a-t-il changé ?

Dans la construction ; il est de moins en moins narratif et de plus en plus complexe. L'enchaînement factuel cède la place à un enchaînement de l'imaginaire. Le début de Naître est empreint d'un certa