Quelle est l'expérience professionnelle la plus étrange que vous ayez faite ?
Avoir dirigé un chanteur de rock à Bercy. Je me suis rendu compte que les gens qui ont l'habitude d'être seuls sur un plateau développent une logique péremptoire, tournée exclusivement sur eux-mêmes. Je ne parvenais à lui lancer une indication que fugitivement lorsqu'il se souvenait de ma présence. Le rapport était inversé. J'étais à l'affût de son attention. Ce que je lui disais ne servait à rien. C'était peu agréable, mais instructif. Instructif, car mon métier rendu impossible, je pouvais réfléchir à ses limites. J'avais déjà fait l'expérience du ratage, bien sûr, mais pas d'être inaudible. Je n'avais rien à faire là où j'étais. A part être un miroir, parfois. Et attendre. Ce dont je n'ai pas vraiment l'habitude.
Un lieu où vous ne retournerez plus jamais ?
Les appartements où j'ai vécu. Il m'arrive de faire des détours pour éviter mes anciennes adresses. Je ne suis pas rancunier, je n'ai pas de liste de lieux bannis, mais je n'aime pas me tourner vers le passé. Or, j'atteins un âge où les occasions de ce genre se proposent à vous fréquemment : on vous demande des récapitulatifs, on les fait pour vous, ou on est amené bêtement à les faire soi-même...
Vous n'avez pas de biographes ?
Quelle horreur ! Peut-être qu'il existe des biographes que je ne connaîtrais pas, qui se seraient déjà mis au travail en secret. J'ai une excellente mémoire, mais je n'écrirai jamais ma vie : elle n'a aucun intérêt.
Sur quoi mentez-vous ?
Je crois que je ne mens jamais mais c'est peut-être là un mensonge. Non, je ne mens jamais parce que ça exige un énorme effort et que chez moi c'est immédiat