Deux symboles de la République constituent les uniques accessoires du décor imaginé par Didier Bezace pour son adaptation de Aden Arabie de Paul Nizan (1). Soit un pupitre d'écolier et un buste de Marianne. Ce dernier est placé tout au fond et l'on n'en distingue guère les traits, d'autant que la lumière est basse.
Fulgurante. Pour certains spectateurs, la vraie nature de cette figure n'apparaît qu'au salut : Marianne est une guenon. Sans doute la compagne de ce «singe qui a trouvé et mis un vieux haut-de-forme», évoquée par Nizan dans son texte, publié en 1931. Pour l'auteur, le singe en question se confond avec «homo economicus», l'homme moderne à l'ère du capitalisme triomphant : «banquier, industriel, commissaire […], rentier, petit propriétaire, joueur de bourse (voire) fonctionnaire, ouvrier même».
Mais revenons d'abord au pupitre. Celui partagé par Sartre et Nizan, au lycée Henri IV à Paris puis à l'Ecole normale supérieure où tous deux furent reçus en 1924. Deux bigleux inséparables qu'on confondait souvent, même s'ils ne se ressemblaient guère : Nizan était un dandy. Obsédé de l'apparence, il connut une trajectoire fulgurante, écrivain, journaliste, militant communiste, fauché à 35 ans, en mai 1940, par une balle allemande. Et longtemps oublié et calomnié par le parti qu'il avait eu le malheur de quitter en septembre 1939 après le pacte germano-soviétique. En 1960, un tout jeune éditeur, François Maspero, réédite Aden Arabie,