L'acteur Bernhard Minetti avait 71 ans lorsque Thomas Bernhard écrivit pour lui, en 1976, Minetti, une pièce qui portait son nom. Où un vieil acteur allemand débarque, un soir de Saint-Sylvestre, dans un hôtel d'Ostende. Il dit avoir rendez-vous : «J'attends le directeur du théâtre de Flensburg / Pour le bicentenaire du théâtre de Flensburg / je joue Lear / Shakespeare / Il y a trente ans que je n'ai pas joué / Il y a trente ans que je ne suis pas monté sur une scène» (1).
Fantaisiste. Toute la soirée, planté à côté d'une énorme valise dans le hall puis le bar de l'hôtel, le vieux monsieur attend en vain le directeur du théâtre de Flensburg. Et soliloque : l'art dramatique, sa vie d'acteur, ses débuts comme prestidigitateur, Shakespeare, son amour de l'Angleterre, et le masque de Lear, qu'il dit transporter dans sa valise. Un accessoire qui aurait été fabriqué spécialement pour lui par le peintre James Ensor, originaire d'Ostende, qu'il prétend avoir rencontré dans ce même hôtel, quelques dizaines d'années auparavant…
Minetti est certainement l'une des pièces les plus drôles de Thomas Bernhard. Le dramaturge autrichien s'est beaucoup amusé en prêtant au Minetti de la pièce une biographie largement fantaisiste. Le vrai n'a jamais été évincé de la direction du théâtre de Lübeck parce qu'il refusait d'y jouer des classiques. Pas plus qu'il n'a subi trente ans d'exil intérieur à planter des légumes à Dinkelsbühl, un village de Bavière.