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Libération
Critique

Verdun, fable kabyle

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Théâtre. Création aux Amandiers des «Coloniaux» d’Aziz Chouaki.
publié le 23 janvier 2009 à 6h51
(mis à jour le 23 janvier 2009 à 6h51)

Ni pamphlet moraliste ni plainte revancharde, les Coloniaux d'Aziz Chouaki, créé par Jean-Louis Martinelli au théâtre Nanterre-Amandiers, est un geste de mémoire. Ecrit en 2006, sur commande, pour le 90e anniversaire de la bataille de Verdun, ce récit sur les tirailleurs, zouaves et autres soldats nord-africains qui ont combattu pour la France, charrie une langue en mouvement, hybride, à la fois savante et populaire, se souvenant de Joyce et du jazz, du francarabe de la Casbah, du parler beur de banlieue. L'auteur d'Une virée (pièce qui décrit la dérive de trois jeunes dans une Algérie en pleine décomposition, créée en 2004 à Nanterre, par le même Martinelli) n'a rien perdu de sa verve iconoclaste. Mais la violence est ici plus contenue, la clairvoyance moins désespérée, le sujet tenu à distance. Le temps a pansé les plaies (non refermées), l'écrivain se retourne sur l'histoire. Le ton est à la fable, le récit tout en divagations progresse par envolées et retombe toujours sur ses pieds.

Le public prend place dans une arène de bois clair (scénographie de Gilles Taschet) autour d'une piste de sable et d'un narrateur - l'acteur Hammou Graïa enfourche joyeusement la loghorrée - qui raconte à la première personne du singulier l'histoire de Mohand Akli, soldat kabyle, tout droit sorti du bled. Enjoliveur, il livre trois versions de sa guerre. Somnolant sous l'effet de la chaleur et de la digestion (132 figues comme autant d'années de présence française