Deux femmes, un appartement. Sitôt rentrée des Etats-Unis, Bella veut récupérer le logement qu'elle a prêté à Djamila, il y a cinq ans. Elle n'a plus rien que ses enfants, trois Américains un peu perdus, et il lui faut un toit. Or, l'autre ne veut pas. Il y a aussi un homme, témoin et médiateur malgré lui entre ces femmes qui furent amies. Dit comme ça, cela augure du drame social. Mais on connaît la prédilection de Marie Ndiaye pour les créatures étranges et Rien d'humain bascule dans le conte fantastique. Ce que la mise en scène d'Olivier Werner matérialise bien sous forme d'une maison perchée tel un habitat de poupée.
Diabolique. La pièce a d'ailleurs été écrite en 2004, dans le cadre d'une commande de la Comédie de Valence sur le thème des fantômes. Tout comme les sorcières chères à l'auteur déglutissent des crapauds, Bella a la langue qui fourche et lâche des obscénités, relatives à ce passé qui ne passe pas. L'une fut riche, l'autre pas. La jolie Djamila, dont le père travaillait pour le père de Bella, a été pour ainsi dire adoptée par la famille qui l'a ouverte à son monde de raffinement et de culture, l'a éduquée, en a fait son jouet. Mais la roue a tourné et maintenant que Djamila a la situation en main, elle ne compte pas la lâcher. Dans ce jeu de miroir, on ne sait bientôt plus qui est le reflet de l'autre. A travers une construction implacable, Marie Ndiaye distille ses ingrédients au compte-gouttes, restant toujours dans les limites du p