Milieu bourgeois, atmosphère feutrée et menaçante : la Ville, pièce du dramaturge anglais Martin Crimp (1), s'inscrit clairement dans la lignée du théâtre de Harold Pinter, prix Nobel de littérature récemment disparu. Clair et Chris, couple d'une quarantaine d'années, habitent Londres. Elle est traductrice, il est informaticien. Ils ont deux enfants, mais seule leur fille a rang de personnage de la pièce, sans que l'absence de son frère soit expliquée. Ils ont aussi une voisine, Jenny.
Au début, Clair raconte une scène dont elle a été témoin à la gare - la disparition d’une petite fille -, qui lui a valu de rencontrer un écrivain qu’elle admire. A la fin, Clair revient de Lisbonne, où elle a été invitée à un congrès par l’auteur en question. Entre ces deux événements, plusieurs mois s’écoulent, pendant lesquels Chris perd son boulot et devient boucher au supermarché. Il est aussi question d’un journal intime, tenu par Clair, qui laisse entendre que toute l’histoire et certains des personnages pourraient être le fruit de son imagination.
Tout l’art de l’écriture de Crimp est dans la suggestion : impossible de démêler le vrai du faux. L’inquiétude rôde. Jenny raconte une atroce scène de guerre, la petite fille a du sang sur les mains et porte à la fin le même uniforme que Jenny.
Cela pourrait presque faire un scénario pour David Lynch. Mais on imagine aussi tout cela chuchoté dans la pénombre. La mise en scène de Marc Paquien vient tout gâcher. Elle met le volume à fond