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Libération
Interview

"Je ne le vis pas comme un adieu"

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Théâtre. Avec «la Cerisaie», Alain Françon quitte la Colline, qu’il a dirigé douze ans.
publié le 27 mars 2009 à 6h52
(mis à jour le 27 mars 2009 à 6h52)

La voix rocailleuse s'est adoucie et est remontée d'une octave, mais la présence n'a pas faibli. Dans la Cerisaie de Tchekhov, mise en scène par Alain Françon à la Colline, Jean-Paul Roussillon interprète Firs, le vieux serviteur. Même appuyé sur une canne, Roussillon n'a pas d'âge. Il est depuis toujours un veilleur de théâtre, un chien de garde qui tient à distance la médiocrité. C'est à Firs que revient le mot de la fin : la Cerisaie a été vendue et Lopakhine, le nouveau propriétaire, oublie le serviteur, qu'il enferme dans la maison. Roussillon, qui a passé tout le spectacle debout, se couche péniblement sur le sofa. «La vie elle a passé, on a comme pas vécu.» C'est la dernière réplique, on devrait être pétrifié, mais Roussillon n'est pas du genre à soutirer les larmes. Il dit cela comme il dirait «ce n'est pas grave, ce n'est que du théâtre», et le noir qui envahit le plateau s'en trouve allégé. Roussillon prétend que c'est son dernier rôle, mais en le voyant saluer avec ses camarades, on n'en jurerait pas.

A l'image de Roussillon, cette Cerisaie est exemplaire de tenue, toujours sur la crête entre sourire et mélancolie. Avec des comédiens qui n'appuient pas, même quand ils parlent fort. A l'image de Lioubov, la maîtresse de maison (Dominique Valadié), dont la vitalité contraste idéalement avec l'épuisement de son frère Gaev (Didier Sandre, fantomatique et princier). Les autres sont à la hauteur, de Lopakhine (Jérôme Kircher)