Un godemiché en guise de baguette magique, trois fées - ou trois sorcières -, le visage masqué d'un bas de nylon, jouent les sœurs siamoises, les acrobates et les poupées désarticulées. Ainsi s'ouvre le Pulle, le spectacle que la metteuse en scène sicilienne Emma Dante présente au Rond-Point. Rien à voir avec le pull-over. Le Pulle, en dialecte de Palerme, ce sont «les putes», transcription à peine déformée du latin puellae (filles). Les putes en question, au nombre de cinq, sont des travestis ou des transsexuels, dont Emma Dante, dans cette pièce sous-titrée «opérette amorale», raconte l'histoire.
Ballet névrotique. L'opérette est bien au rendez-vous : on chante et on danse, sous le signe d'un certain excès théâtral. Rouge des rideaux qui retombent en claquant, noir du deuil, blanc du mariage, jaune, vert, bleu acidulés des vêtements de travail : Emma Dante a le goût des couleurs. Et un talent certain pour imaginer des chorégraphies inattendues, entre french cancan et bal des vampires.
Il y a des moments superbes et incongrus, notamment une scène de maquillage à la table, traitée comme un ballet névrotique, qui dérape en orgie anorexique, avec ingurgitation et vomissement de légumes. Pas mal non plus, la parodie du Lac des cygnes quand le burlesque se leste de mélancolie. Moins réussi mais d'un mauvais goût revigorant, le mariage final à l'église, avec pour invités des poupées gonflables au pénis dressé. Maîtresse