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Pina Bausch se fige

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Figure de proue de la danse depuis plus de trente ans, la chorégraphe allemande est morte d'un cancer, à 68 ans.
La chorégraphe Pina Bausch sur scène à Avignon pour son ballet "Café Muller", le 6 juillet 1995. (AFP Anne-Christine Poujoulat)
publié le 1er juillet 2009 à 6h53
(mis à jour le 1er juillet 2009 à 6h53)

Silhouette noire, fina estampa, caballero, Pina Bausch se tenait immobile dans un coin reculé de la boîte réservée aux aficionados de sévillanes. Ses portraits étaient affichés aux murs et le patron avait déjà eu l'occasion de lui transmettre les secrets de cette danse populaire et très sophistiquée. Elle ne disait rien. Elle ne parlait pas, elle regardait en fumant clope sur clope. Personne n'aurait pu deviner qu'elle s'appelait Pina Bausch, qu'elle était la figure maîtresse de la Tanztheater allemande.

Elle pinçait délicatement ses lèvres fines en un sourire qui la définissait aussi bien que son semblant d’absence. Elle était une farouche du ressassement au sens où l’entendait Maurice Blanchot et elle savait donc inventer, jamais à court de surprises. Dans un coin reculé, au fin fond d’un village de l’Inde, elle se tenait tout autant immobile. Elle regardait encore et toujours pour comprendre cette danse classique indienne qu’elle aima tant. A côté d’elle, il y avait Thomas Erdos, producteur qui, lui non plus, ne connaissait aucune frontière. De la même façon que Bénédicte Pesle a imposé Cunningham en Europe, il a su apporter Pina comme sur un plateau, couvert d’œillets de la révolution portugaise.

«Tripes». Sa pièce Nelken («œillets»), de 1982, reste dans toutes les mémoires. D'ailleurs, tous les danseurs, motivés par Germana Civera et Olga de Soto, jetteront aujourd'hui ces fleurs sur les scènes du festival Montpellier D