Nulle raison de douter de la sincérité de ce que Christophe Honoré projette sur Angelo, tyran de Padoue, pièce oubliée au sein d'une œuvre théâtrale elle-même pas le plus mémorable de ce que Victor Hugo a laissé à la postérité. «Le monde décrit, estime le cinéaste dans des notes de répétitions, est […] de l'ordre du cauchemar, abstraction de l'angoisse qui a déjà tout détruit, s'est installée et s'est mise à régner. Et dans cet univers non pas violent, mais angoissant, se débattent des êtres chauds.»
Cerbères. Son décor et ses partis pris de mise en scène reflètent tout cela. Les palais de Padoue deviennent une métaphore de l'enfer ; à l'étage inférieur, boudoirs et chambres à coucher, qui conservent les signes du confort, sont surplombés de plateformes métalliques hantées par des cerbères, mauvais garçons torse nu à l'accent étranger. A cet univers sous surveillance, où toute intimité semble vaine, le cinéma prête, non ses caméras, mais ses accessoires et ses techniciens : le preneur de son est un espion qui tend la perche à ses interlocuteurs pour mieux les enfoncer. Restent les «êtres chauds» : les acteurs, et plus encore les actrices. Ce que l'on voit n'est pas le film, mais le tournage ; l'intensité se concentre sur un petit point du plateau. On peut tenter de s'imaginer, l'œil derrière la caméra, plan moyen sur Clotilde Hesme, un flacon de poison à la main, gros plan sur le visage d'Emmanuelle Devos qui fait semblant de dormir