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Libération
Critique

Socrate toujours têtu

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Avignon. Une vision chypriote du philosophe.
publié le 18 juillet 2009 à 6h52
(mis à jour le 18 juillet 2009 à 6h52)

Sur un cercle de sable, un homme aux habits frustres répond à son accusateur. «Mon ami ! lance-t-il à Mélitos, comment, étant athénien, de la plus grande ville et la plus renommée pour les lumières et la puissance, ne rougis-tu pas de ne penser qu'à amasser des richesses, à acquérir du crédit et des honneurs, sans t'occuper de la vérité et de la sagesse, de ton âme et de son perfectionnement ?» (1) Il ajoute : «Toute mon occupation est de vous persuader, jeunes et vieux, qu'avant le soin du corps et des richesses, avant tout autre soin, est celui de l'âme et de son perfectionnement.» Mais la vigueur de Socrate n'y pourra rien : accusé de corrompre la jeunesse, il sera condamné à mort. De toute l'histoire de la philosophie, l'Apologie de Socrate est probablement le seul texte où ce qu'un philosophe joue dans l'exposition de ses théories, c'est sa peau.

Il y a quelque chose d'irréel, et délicieux, à voir ce plaidoyer, prononcé il y a vingt-cinq siècles en grec ancien, reprendre vie dans une salle du off d'Avignon, avec le zézaiement mélodieux du grec moderne. En décor, un pot de terre, un bol. Manolis Michaelides a le regard malicieux de qui s'apprête à jouer un tour à ses concitoyens. Il est bedonnant, économise ses gestes, sourit, prend son temps : ce Socrate-là a la mort débonnaire. Mais il ne lâche rien sur le fond, et le spectateur ne lâche pas qu'il n'ait achevé sa démonstration patiente. Aussi têtue que la démarche du Theatro Ena, créé