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Critique

Aperghis mitonne des «Boulingrin» de folie

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Théâtre . A l’Opéra-Comique, le compositeur présente un opéra-bouffe enlevé, d’après la comédie de Courteline, mis en scène par Jérôme Deschamps.
publié le 15 mai 2010 à 0h00

A la fin du XIXe siècle, le pique-assiette est un personnage en soi. Jules Renard en fait le héros de l'Ecornifleur et, chez Proust, Saniette est toujours plus ou moins soupçonné d'usurper sa place à la table des Verdurin. A l'idée d'un intrus s'immisçant dans ses salons, la bourgeoisie frissonne : elle se sent désirée autant que menacée et ce désir-là excite son snobisme. La situation se retourne et l'imposteur devient le jouet de sa cruauté. Dans les Boulingrin, courte pièce de Courteline, le pique-assiette finit sous les coups de ses hôtes. L'opéra-bouffe que le compositeur Georges Aperghis et le metteur en scène Jérôme Deschamps viennent d'en tirer est le récit joyeux des plaisirs troubles qui ont cours derrière les portes de la salle à manger.

Pulsions sadiques. Chez Courteline, le trouble commence à l'onomastique : lui-même, né Moinaux, tira son pseudonyme du Roman de Renard, où c'était le nom d'un… moineau. Monsieur et madame Boulingrin, eux, doivent leur patronyme à un mot venu de l'anglais, bowling green, «gazon pour jouer aux boules». Pour être précis, c'est comme une balle - qu'on s'envoie sans ménagement, dans laquelle on tape de toutes ses forces - qu'ils vont traiter leur visiteur qui espérait avoir trouvé une table où se rassasier «trois fois par semaine». Celui-ci s'appelle Des Rillettes : «viande de porc hachée menu» et, tombant en pleine dispute conjugale, le voilà pris à partie, forcé