Il ne prendra pas ses quartiers d'été dans le village de Brusque, au fin fond de l'Aveyron, ou attablé au bistrot avec des copains, il aimait boire des coups et refaire le monde. Mort vendredi soir à Paris, d'une infection respiratoire (1), Laurent Terzieff, figure légendaire et bon vivant ordinaire, n'aura jamais connu la vieillesse, même avec les rhumatismes de ses 75 ans. Sur son visage émacié et son corps de danseur, le temps creusait lentement : ni graisse, ni relâchement. La beauté sera restée jusqu'au bout, presque excessive ; pas le masque de la jeunesse éternelle, plutôt celui d'un Dieu ancien, hors du temps des mortels. La dernière année ne fut pas la moins belle, qui fit de lui un archer grec. Sur le plateau de l'Odéon, en septembre dernier, il était Philoctète, le pestiféré abandonné dix ans sur une île déserte par Ulysse et ses compagnons. Aucune analogie avec la réalité : l'homme au visage tourmenté n'avait rien d'un artiste maudit ni d'un «athlète de la plainte», ainsi qu'il qualifiait en souriant son personnage. Toute sa vie, Laurent Terzieff aura mené sa carrière à sa guise.
«Tête d'or». Sur cette scène de l'Odéon, l'acteur était une fois de plus désarmant. Emphase déclamatoire et mains tordues de désespoir, il semblait droit sorti du temps de Sarah Bernhardt, comme si cent ans de théâtre n'étaient pas passés depuis. Et impérial pourtant : diction parfaite, précision du rythme, on n'en perdait pas une syllabe. Inentamé surtout, sembl