La danse s’est toujours plue au cloître des Célestins, bruissante entre les deux platanes. Qu’Anne Teresa De Keersmaeker y propose sa création relève de l’évidence. La rencontre de sa compagnie avec l’architecture pas si austère qu’elle y paraît et la petite brise de la nuit tombante ne pouvait aboutir qu’à un spectacle enchanteur. Pas de scène surélevée, mais une chape de béton fraîchement coulée. La danse se déplace à même le sol, en baskets ou pieds nus. La chorégraphe belge a utilisé l’espace comme une cour de récréation avec son préau.
«Pudeur». Dix-huit ans après son passage dans la cour d'honneur avec Mozart : concert arias, c'est une Keersmaeker plus secrète et plus légère que l'on découvre dans En atendant. Son rapport à la musique et au rythme n'a pas changé, il est toujours aussi intense, comme si sa propre partition chorégraphique ne pouvait dialoguer qu'avec une forte structure musicale. Ici, elle a choisi des musiques prérenaissantes et renaissantes, des polyphonies datant de la seconde moitié du XIVe siècle, emblématique de la cour papale d'Avignon. «Ce sont essentiellement des musiques sacrées, explique-t-elle, et je ne savais pas trop quoi en faire sur un plateau de danse. J'éprouvais une sorte de pudeur au moment de mettre des corps dessus.»
Elle le fait évidemment très bien, tout est à sa place, des quatre instrumentistes (flûte à bec, vielle, chant, flûte) aux huit danseurs. Entre chien et loup