C'est un «livre d'Histoire», souligne sur sa première page Patrick Deville, le directeur de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire (Meet). Ce bel ouvrage imposant, réalisé avec des documents, des affiches et des photographies d'époque, retrace l'aventure théâtrale d'Armand Gatti et de sa «tribu» en 1976 à Saint-Nazaire. Un vol éphémère, agité, controversé ; moteur pour certains, encore douloureux pour d'autres, comme l'a exhalé un débat public organisé par la Meet en novembre 2009.
L'envol se situe entre septembre et octobre 1976. Le directeur de la Maison des jeunes et de l'éducation permanente de Saint-Nazaire (MJEP), Gilles Durupt, accueille une expérience de création collective de Gatti sur le thème des dissidents soviétiques, rapidement baptisée «le Canard sauvage». L'oiseau en question vole contre le vent. Métaphore idéale de la résistance à toute dictature. Contraire de la figure du «Petit rentier», l'homme anonyme, suiveur dans la normalité.
«Une ville de 70 000 habitants sise au bord de la mer dans l'ouest de la France a-t-elle le pouvoir de changer le cours de l'histoire ?» interroge le journaliste Pierre Jouffroy dans Libération (17 septembre 1976). C'est l'étrange rencontre entre une ville ouvrière et celle de la dissidence soviétique, Vladimir Boukovski et Semion Glouzman, alors internés dans un hôpital psychiatrique en URSS. Les Nazairiens - ouvriers des chantiers, étudiants, paysans… - sont invit