C’est l’histoire d’une nuit qui n’en finit pas. Pour laisser à Jupiter le temps de se prélasser dans le lit d’Alcmène, vertueuse épouse d’Amphitryon, Mercure convainc l’obscurité de s’attarder. Chez Molière, comme chez Plaute dont il s’inspire, la nuit est propice au comique : elle sied aux quiproquos, à la grivoiserie de la situation. Chez Kleist, qui suit la trame de Molière, la nuit est plus mystérieuse, inséparable du doute qui saisit les personnages. Rêve, ou réalité ? L’interrogation traverse à peu près toutes les pièces du dramaturge allemand.
De la nuit, Bernard Sobel fait, dans sa mise en scène d'Amphitryon, un personnage central, imprégnant la scénographie de Lucio Fanti (arbres et nuages), les costumes de Mina Ly (noir et gris), la lumière d'Alain Poisson.
La première scène, où Sosie (Gaëtan Vassart), envoyé d’Amphitryon, peine à reconnaître les abords de la maison de son maître, annonce le brouillage des repères à suivre, un état où l’on n’est plus soi-même. Vécue sur le mode de l’ivresse des sens (Alcmène) ou du vertige de la folie (Amphitryon), l’intervention des dieux sur Terre a pour premier effet une crise identitaire. Dont Jupiter, qui l’a pourtant déclenchée, ne sort pas lui-même indemne. Pascal Bongard, qui joue le maître des cieux, lui donne une épaisseur humaine troublante, comme s’il était de moins en moins convaincu de son infaillibilité, même lorsqu’il lâche la foudre pour déciller les yeux humains. Aurore Paris, la jeune interprète d’Alcmène