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Libération
Critique

«Amnésia», quand la Tunisie s’autocensurait

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Théâtre. Ce soir à Annecy, une pièce qui témoigne du climat de suspicion des années Ben Ali.
publié le 4 février 2011 à 0h00

Sur scène, un long silence, puis les rafales incessantes. Un homme politique déchu d'un régime monolithique, Yahia Yaïch, est confronté à l'injustice qu'il a lui-même contribué à instaurer. Lorsqu'elle a été présentée à Tunis par les auteurs-metteurs en scène Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar en avril dernier, puis en France quelques mois plus tard, Amnésia était le témoignage d'un «ici et maintenant». A la voir aujourd'hui, cette mise en scène monochrome, où le jeu du corps subit et déjoue ensemble les non-dits, semble être l'annonce d'une chute inexorable. L'idée de la pièce avait commencé à germer pendant l'été 2009. «Jusqu'ici, nous avions questionné le vécu du peuple. Cette fois, nous voulions interroger les hautes sphères du régime», explique Fadhel Jaïbi.

La précédente pièce de la troupe, Corps otages, avait subi 286 coupes du ministère de la Culture tunisien. Pour Amnesia, la commission d'orientation avait aussi demandé la supression d'éléments, mineurs selon le dramaturge. «Pour ce qui aurait pu entamer le fond de la pièce, nous n'avons pas cédé. On leur a dit : "Interdisez-la !"».

«Ordre». Après un mois d'atermoiements de la commission, la pièce est finalement présentée dans une salle mise à disposition par le ministère de la Culture. «C'était un régime complètement schizophrène, explique-t-il. Il nous imposait des contrôles, et nous interdisait d'apparaître à la télévision, mais avait tr