Sur le plateau, rien qu’une chaise vide et un comédien qui se fait attendre. Dans la salle, un spectateur s’impatiente à haute voix et le malaise gagne les rangs alentours. Une scène d’exaspération que tous les habitués de théâtre ont déjà vécue mais dont il est rare qu’elle survienne aussi tôt dans la soirée. Qui fera taire le gêneur ? Faudra-t-il l’expulser de la salle ? Ou bien le perturbateur est-il un comparse ? L’acteur en personne ?
Que se passe-t-il quand le fou qu'on attend sur scène se manifeste dans le public ? C'est sur cette ambiguïté que le comédien Samuel Finzi ouvre son interprétation du Journal d'un fou, fameux texte de Gogol où le rond-de-cuir Poprichtchine, qui déteste l'odeur du chou, maîtrise à merveille le taillage des plumes et aime en secret la fille de son supérieur, s'enfonce dans une dérive paranoïaque qui l'entraîne jusqu'en Espagne, à l'asile.
Eculé. En suscitant le fou dans la salle, Finzi, qui signe aussi la mise en scène avec Hannah Rudolph, éveille l'inquiétude et l'identification. Comme si Poprichtchine et son monologue de plus en plus délirant étaient bel et bien l'émanation d'un réel partagé et non pas une fiction ex nihilo. Une «trouvaille» de mise en scène qui ne serait qu'un truc éculé si l'acteur n'avait pas, par ailleurs, le don de sembler illico familier.
Finzi est un caméléon. Linguistique d’abord : il passe sans effort du français à l’allemand ou au bulgare. Physiquement, il est un M. Tout-le-Monde,